Bonjour, J’ai beaucoup apprécié le dessin humoristique de Thierry Dubois dans le no 262 mais la réalité était proche. En effet, il existait des locomotives à vapeur équipées de grue, servant à la manutention de pièces lourdes dans les grands ateliers de réparation (analogues à ceux des établissements militaires traitant les matériels passant en 5e échelon) ou sur des chantiers de construction.

Ces engins construit à la fin du 19e siècle et au début du 20e avaient une capacité de levage de quelques tonnes. Je vous joins une photo d’une telle locomotive (une 021 T grue) d’origine allemande, récupérée dans le cadre de l’Armistice du 11 novembre 1918 et affectée aux ateliers de Sotteville-lès-Rouen du réseau de l’État puis à la région ouest de la SNCF. Ce matériel était très rare en France car l’emploi de grues à vapeur automotrices de plus grande puissance et capables de manœuvrer quelques wagons était privilégié. À droite de ce cliché, on découvre une 020 de manœuvre à chaudière verticale Corpet-Louvet, constructeur qui essaiera de se diversifier dans le matériel de TP sans grand succès après 1945.

Par contre, dans l’article sur Pinguely, il y a des erreurs grossières. D’abord, l’équipe de conduite d’une locomotive à vapeur comprend le plus généralement deux personnes : le chauffeur qui a en charge la production de la vapeur et le mécanicien qui conduit et entretient l’engin en utilisant au mieux la vapeur produite. Les seuls graisseurs à bord sont des appareils chargés de lubrifier les cylindres, glissières et organes de roulement en utilisant la condensation de la vapeur pour chasser l’huile ou des dispositifs mécaniques à piston actionnés par une prise de mouvement sur l’embiellage.

Ensuite, il n’y a pas d’essieux fous mais des essieux porteurs ainsi appelés car ils ne font que cela ; les autres sont dénommés moteurs car ils transmettent en plus l’effort produit dans les cylindres. Une locomotive est désignée par le nombre d’essieux porteurs, moteurs et porteurs vus de côté en partant de l’avant, c’est-à-dire de la cheminée, l’arrière étant le côté de la cabine dans l’immense majorité des cas. L’absence d’essieu se traduit par un 0. Ici, il s’agit donc d’une 030 T avec un  T pour tender, c’est-à-dire que l’engin porte les réserves en eau et en combustible alors que les autres sont accouplées à ce serviteur qui n’est en fait qu’un wagon un peu spécial, le tender. Les Anglo-Saxons utilisent le même principe mais en comptant le nombre de roues, ce qui double inutilement les chiffres, une 030 T devenant 060 T !

En plus, il existe des surnoms par type, essentiellement d’origine américaine : une 231 est appelée Pacific par exemple. Cette mode des surnoms passera ensuite dans le domaine de l’aviation militaire. Les Allemands utilisent des lettres pour les seuls essieux moteur (A = 1, B = 2, etc.). Chez eux, une Pacific est donc une 2 C 1 ! Comme quoi il n’y a que les ingénieurs français pour compliquer les choses simples. Enfin, les équipes ont longtemps été exposées aux intempéries, non par crainte d’asphyxie mais parce que les ingénieurs, douillettement installés dans leurs bureaux d’études, craignaient qu’elles ne s’assoupissent, vaincues par le bercement du lacet et « la douce chaleur du foyer » (sic) ! Mais il est vrai que la comparaison ne pouvait se faire que vis-à-vis des cochers, rarement confrontés à des vitesses à trois chiffres et s’arrêtant fréquemment pour changer de chevaux !

Les premières protections (simple écran entre deux hublot s et un toit très court) ont été mises en place pour protéger les appareils de mesure et de contrôle (manomètres, indicateur de vitesse, etc.) qui étaient selon ces dirigeants des appareils fragiles et coûteux. Les hommes, ma foi… Ensuite, selon les compagnies, les cabines sont devenues plus (PO) ou moins spacieuses et confortables (Nord) mais, en 1950, la SNCF recevait encore des locomotives neuves avec une cabine plus qu’étriquée (150 P) qui faisait dire aux roulants : « avec elle, on a le ventre cuit et les fesses gelées » ! Les compagnies françaises n’étaient pas à la pointe dans le domaine du confort et de l’ergonomie vis-à-vis de leurs homologues allemandes ou américaines. Les fumées, en dehors des tunnels, entrent peu dans la cabine car les gaz de combustion sont éjectés par la vapeur s’échappant des cylindres. Cela se traduit, notamment au démarrage, par des panaches montant à plusieurs mètres au-dessus du train, c’est pourquoi les escarbilles retombent plus sur les wagons ou voitures que sur les roulants !

Continuez dans cette voie. Je ne sais pas si l’aventure durera encore 30  ans mais, pour ma part, même si je ne le verrai pas, je le souhaite vivement.

Veuillez agréer mes sincères salutations.

Philippe Royer, Noirétable (Loire)

Réponse : Grand merci pour votre courrier, lequel est édifiant.

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