Bonjour,

En ouvrant le Charge Utile de juillet, j’ai eu une surprise qui m’a tiré des larmes de joie et de peine à la fois. En effet, à la page 33 figure la photo d’un GBK 75 dont les lettrages sur les portes indiquent, comme le précise la légende, qu’il appartenait à l’entreprise Robert Guyard, mon papa. Il avait été acheté en 1972 à un lointain parent, ostréiculteur de son métier, qui l’avait acquis neuf en 1967 ; il succédait à un GAK. À l’époque, il totalisait 65 000 km, avait toujours couché à l’abri et la caisse était repeinte tous les ans. Les traverses du plateau étaient en accacia et les ridelles étaient en bois et fixes mais elles comportaient des petites portes rabattables au milieu pour charger les sacs d’huitres alors transportés sur l’épaule. Vu l’usage que nous en faisions, les ridelles, cette fois en acier, ont été rendues rabattables. Les rampes du début étaient en acier et nous nous contentions, mon beau-frère ou moi, de les glisser sous le tracteur mais c’était une véritable corvée. Nous l’avons donc transformé en rallongeant le plateau et en confectionnant un pont en deux parties à relevage hydraulique actionné par une motopompe hydraulique dont le moteur était celui d’une tondeuse dissimulé dans un coffre arrière. Quelque temps après l’achat, papa l’avait fait équiper d’une direction assistée, ce qui n’était pas un luxe.

Je me souviens avoir pris une bonne suée après un petit déjeuner pris en compagnie de mon épouse à La Celle-Saint-Avant sur la N 10 en sortant du parking alors que cette brave bête avait sur le dos un tracteur que je ramenais chez John Deere. J’avais ainsi dépensé immédiatement les calories absorbées. Grâce à lui, j’ai découvert mon premier Charge Utile dans un restaurant d’autoroute où nous nous étions arrêtés un soir au retour d’un périple de 72 heures au cours duquel nous n’avions dormi que 8 heures et avions bien travaillé pour récupérer des rayonnages désaffectés. Notre entreprise a été créée en 1928 par mon grand-père en tant qu’agent Citroën puis, en 1958, papa a repris le garage pour développer parallèlement à l’automobile une activité machines agricoles et viticoles car, à l’époque, la viticulture n’avait pas encore envahi la quasi-totalité du Médoc et la polyculture était de mise. En 1968, ma sœur, mon beau-frère et moi étions entrés dans l’affaire puis, en 1995, nous en avons pris les commandes que nous avons lâchées en 2020 au profit de la quatrième génération qui officiait déjà depuis quelques années. À ce jour, nous sommes agents Renault depuis 1975, concessionnaires des tracteurs enjambeurs Tecnoma, commercialisons et entretenons des matériels vinicoles, des matériels d’espaces verts tout en développant la création de matériels liés à la viticulture.

Pour revenir au destin de ce GBK, il a toujours couché au garage et a toujours été chouchouté jusqu’à ce que, en 2000, nous soyons obligés de le vendre car nous avons dû nous équiper d’un ensemble Renault G 280 et semi-remorque surbaissée car la hauteur des enjambeurs nous avait transformés en une entreprise de destruction des lignes téléphoniques dont les fils pendaient lamentablement comme aujourd’hui d’ailleurs. La place dans le garage n’étant pas extensible, il a fallu vendre ce pauvre vieux mais j’avais averti l’acheteur que, s’il le revendait, je le rachèterais. Ce qui fut fait lorsque notre premier ensemble a été renouvelé par un Premium Route 340 ex-Norbert Dentressangle et que l’acheteur du G 280 n’était autre que celui du GBK.

Par la suite, le même client a acheté notre Premium 340 et j’ai repris et revendu le G. Nous avons acquis un Premium Route 420 dCI toujours ex-Norbert Dentressangle que nous avons remplacé en 2013 par un Premium Lander Route 460 dXI avec Optidrive et Optitrack, ce qui lui permet de bouger sur terrain gras. Plusieurs fois, c’est ce pauvre GBK qui a assuré l’intérim. Quand nous avons récupéré le GBK en 2003, il avait déja subi quelques petits coups mais il était encore très correct et surtout pas corrodé. Il est toujours garé dans le garage où je lui avais fait de la place et je le fais tourner et lui dégourdis les jantes de temps à autre en profitant de ces moments pour lui faire une toilette et faire tomber la poussière. Il démarre toujours au quart de tour mais ne totalise, il est vrai, qu’à peine plus de 200 000 km. Les lettrages de portes que j’avais peints à la main avec reflets gris ont disparu lorsqu’il a fait sa fugue. Les couleurs, bleu Antilles et jaune Vallauris, sont toujours là. Quant à la calandre, au pare-chocs et à l’intérieur de la cabine, ils ont gardé leur gris clair d’origine avec les garnitures en simili noir, cabine Relaxe oblige. Les rétros ont été remplacés (sur la photo déjà) car leur taille est supérieure à ceux d’origine. Les enjoliveurs de phares, ivoire d’origine, avaient été remplacés par des gris mais ils ont subi le même sort et le soleil en est venu à bout (est-il envisagé d’en refabriquer car je suis preneur ?).

Un peu de technique pour ce pauvre camion. Son moteur de 120 chevaux est un peu trop calme, la boîte optionnelle est une AK 6.55 mais avec un couple court au pont arrière, il n’atteint que 80,5 km/h à 2 400 tours et, il faut bien l’avouer, dans les années quatre-vingt-dix, on avait vite trouvé le sommeil à son volant. Les rampes, si pratiques, sont venues à bout d’un longeron de châssis que j’ai calé pour qu’il ait une démarche correcte et n’affiche pas son mal de dos et son début de scoliose. Voici donc pourquoi cette photo m’a profondément ému et, d’ailleurs, je serais curieux d’en connaître la provenance pour en remercier l’auteur. En attendant, je vous remercie pour votre revue que j’ai failli pourtant abandonner à l’époque où la présentation avait changé car, sûrement, quelqu’un avait pensé pouvoir faire mieux. Pour moi, c’était raté. Heureusement, tout est rentré dans l’ordre et je savoure toujours le plaisir de voir des camions malgré mes 73 ans. Quand j’étais petit, je ne retenais des grands voyages en famille que les souvenirs des camions que je voyais. Je suis également passionné de voitures mais surtout anciennes car je les collectionne. Si vous voulez publier ces lignes, c’est avec grand plaisir et mes petits-enfants pourront garder cela en souvenir. Merci et au plaisir.

Jean-Pierre Guyard


Réponse : Merci pour votre courriel. Quel plaisir de savoir ce joli GBK sauvé et toujours vivant !


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