Le samedi 12 novembre 2022, c'est l'effervescence à Sainghain-en-Weppes (Nord). Un groupe de gaillards à baudrier orange, sûrement des chasseurs participant à une battue, tentent de faire sortir un gros animal de sa tannière...

Un gros animal unique, du moins à notre connaissance. Petit retour en arrière… Voici des années, en 1994, Émile Gossard, éminent collectionneur de Citroën, apprend la présence d’un Willème W 8 SAT 6 x 6 à cabine Sahara sur un terrain de Remoulins (Gard), lequel doit être prochainement nettoyé suite au décès de son propriétaire, M. Villette. Son sang ne fait qu’un tour. Bien qu’il ne possède que des voitures et quelques utilitaires légers de la marque au double chevron, Émile craque pour la bête et parvient à l’acquérir. Avant l’issue fatale, le Willème est chargé sur une semi-remorque porte-engin des transports Capelle et convoyé jusqu’à son nouvel abri en pays ch’ti.

Ce n’est pas une mince affaire de le faire rentrer dans le hangar situé au fond du terrain d’Émile, car le véhicule n’est pas tournant, il est très lourd, peu manœuvrant et évidemment dépourvu de direction assistée fonctionnelle… Mais, une fois remisé, son nouveau propriétaire se rend compte de la difficulté qu’il y aura à restaurer le véhicule, faute d’équipements adaptés. La seule manutention d’une roue est déjà une opération compliquée, et le Willème est animé par un huit cylindres en ligne de 18 litres, alors…

Alors, durant des années, la bête tombe dans une profonde léthargie, attendant un baiser de son prince charmant pour renaître à la vie. Le prince charmant mettra le temps ; il viendra d’Auvergne… L’âge venant, Émile réalise qu’il ne restaurera jamais le Willème. Aussi décide-t-il de le vendre à un collectionneur éclairé. Après s’être adressé à votre serviteur pour faire passer l’information et les principaux ténors français de la collection de grosses pièces ayant décliné l’offre, c’est finalement de Cisternes-la-Forêt qu’émane la solution. Jean-Michel Perrier, qui n’en est pas à son coup d’essai en ce qui concerne le sauvetage d’engins encombrants, se déclare intéressé. Du Berliet TBO 15 M3 6 x 4 HC au dumper T 30 en passant par une pelle Richier P 80 à flèche treillis (qui sert aujourd’hui de phare dans la campagne auvergnate aux visiteurs égarés soucieux de retrouver le maçon cisternois), il a déjà mené à bien des opérations qui auraient pu paraître pour le moins hasardeuses à d’autres. Les deux hommes parviennent à un accord et rendez-vous est pris pour la récupération du bestiau.

Mais le jour dit, les choses ne vont pas se passer toutes seules. Il faut en effet faire sortir le Willème de son antre en lui faisant négocier un S étroit de son hangar jusque dans l’allée qui mène à la rue. Heureusement, le Raucca, dont Émile fait partie et fut d’ailleurs son premier président, est présent en force sur les lieux. Et Patrice Depaeuw, particulièrement prévoyant, a tout prévu pour aider Émile. Grâce à deux chariots élévateurs (dont un de 8 tonnes) loués spécialement pour l’occasion, Le W 8 est déplacé et, grâce au levage de son tandem arrière, il peut négocier le fameux S et se retrouver en ligne dans l’allée. Il passe ensuite le portail et sort dans la rue, sous le regard éberlué (et un peu appeuré aussi) de nombre d’indigènes du cru. Ne reste qu’à le monter au treuil sur la semi-remorque porte-engin du prince charmant, bien en ligne pour éviter de ripper sur les voitures garées le long de la rue.

La bête bien en place et arrimée comme il se doit, le chargement est complété par une cabine (celle d’origine a malencontreusement été découpée par Émile) et le huit en ligne, déposé il y a des années, avec quelques babioles en plus. Puis le groupe nombreux (des amis du nouveau propriétaire sont venus de toute la France pour assister au sauvetage) se retrouve pour faire ripaille et fêter l’événement avant de faire mouvement jusqu’à Lompret pour découvrir la collection de camions anciens de Patrice.

Bête sauvée, pas de casse, propriétaire heureux, stop. Jean-Michel est très motivé et il se murmure qu’il a déjà commencé à sabler une roue et qu’il a acheté le cendrier qui manquait dans la cabine… Espérons qu’il parviendra à mener à bien la tâche immense que représente la restauration du bestiau. Rendez-vous dans un an ou deux…

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