Plaidoyer pour un assouplissement des règles de conduite des véhicules de collection de plus de 3,5 tonnes. Quel avenir pour la collection des véhicules utilitaires de plus de 3,5tonnes de PTAC ? La question revient périodiquement depuis des années car, si rien ne se passe, tous les anciens véhicules de transport routier collectionnés et valorisés par de nombreux passionnés risquent à terme de ne devenir qu’un souvenir ou des objets immobiles. Pourquoi ? Par les effets combinés de plusieurs facteurs.

En premier lieu et aussi bizarre que cela puisse paraître, les véhicules anciens de plus de 3,5 tonnes de PTAC, âgés de plus de 30 ans et immatriculés en collection, sont toujours assimilés légalement à des véhicules de transport contemporains. Leur utilisation est, entre autres, soumise à la possession d’un permis de conduire de type « poids lourd » (catégories C). Or ce permis a évolué de nos jours vers une véritable qualification professionnelle destinée à exercer l’activité de chauffeur affecté au transport de marchandises, la plupart du temps au moyen de véhicules de fort tonnage et assortie de contraintes très éloignées de la conduite d’un véhicule de collection ou historique. Ces derniers, quant à eux, ne peuvent plus être utilisés commercialement et ne se déplacent que sur de courtes distances, ou très occasionnellement lors de rétrospectives historiques et commémorations. C’est notamment le cas des anciens véhicules militaires.

Cette confusion des genres s’avère être une des principales entraves à l’action des collectionneurs. En effet, si les plus âgés d’entre eux sont souvent titulaires de ce permis C, car l’ayant obtenu par transformation de leur permis militaire en permis civil, la fin du service national a supprimé cette possibilité. Désormais, l’obtention du permis C est donc conditionnée, pour ceux qui n’exercent pas la profession de chauffeur, à une formation lourde, coûteuse et dissuasive pour le simple passionné de véhicules anciens. Les collectionneurs en herbe, souvent jeunes et sans grands moyens, sont les plus touchés. Pourtant, ce sont d’eux dont la pérennité de ce patrimoine technique a tant besoin en termes de relève… Réfrénés dans leur désir d’acquérir et de valoriser cette catégorie de véhicules, ils s’en détournent la plupart du temps alors que, dans les faits, les véhicules de collection de plus de 3,5 tonnes n’ont plus grand chose en commun avec les véhicules lourds contemporains, surtout ceux de tonnage moyen qui équivalent en gabarit aux grosses camionnettes actuelles.

À bien des égards, ils présentent souvent un encombrement inférieur et génèrent beaucoup moins de risques routiers que de nombreux modèles actuels de type « fourgon de messagerie rapide grand volume » et autres gros camping-cars qui sont des véhicules d’usage et qui se déplacent souvent à grande vitesse sur nos routes tout en restant accessibles sans limitation de tonnage aux titulaires de permis B. À l’inverse, les véhicules de collection sont conçus pour une infrastructure ancienne où les routes départementales d’aujourd’hui étaient des routes nationales et leurs caractéristiques sont en rapport. Comment comparer l’activité d’un chauffeur routier d’aujourd’hui qui parcourt des centaines de kilomètres par jour avec un poids lourd (ou un « super lourd » allant jusqu’à 44 tonnes) de 400 ou 500 chevaux et un collectionneur qui déplace son véhicule occasionnellement pour ses loisirs sur de courtes distances, la plupart du temps les weekends ? Les récentes dispositions réglementaires autorisant la conduite de certains camping-cars de très gros gabarit (dont les plus lourds aujourd’hui ont un PTAC de 12 tonnes) avec un permis de catégorie B obtenu avant janvier 1975, même si elles n’ont qu’un impact très limité, suscitent une forte incompréhension chez les utilisateurs de véhicules lourds de collection dont les activités relèvent également du domaine des loisirs. Dans un autre domaine, l’article 27 de la loi Macron de 2015 a de son côté assoupli les dispositions applicables à la conduite des tracteurs agricoles pour les non-agriculteurs, désormais sans limitation de PTAC et conduisibles avec un simple permis B…

De nombreuses entreprises semblent s’être engouffrées dans cette niche réglementaire et n’hésitent pas à confier des ensembles avec remorques lourdement chargées à de jeunes chauffeurs apparemment inexpérimentés au vu de leur manière de conduire, notamment en agglomération. S’agissant des véhicules lourds de collection, l’expérimentation d’un contrôle technique obligatoire instaurée en 2011, abrogée depuis, a permis de démontrer un excellent état général du parc des véhicules concernés et une accidentologie quasi nulle (source ministère des transports et Dreal). Ces disparités dans le traitement réglementaire de certaines catégories de véhicules sont devenues illisibles et pénalisent injustement toute une frange de passionnés et collectionneurs qui s’investissent dans la préservation d’un patrimoine technique remarquable exempt de tout esprit de spéculation. Par ailleurs il y a lieu de prendre en compte le très petit nombre de véhicules concernés, un kilométrage moyen annuel parcouru très faible, leurs performances très réduites par conception et l’utilisation très précautionneuse qui en est faite par les collectionneurs (cette situation pouvant être confirmée par les sociétés d’assurance spécialisées dans ce type de risque).

Des pays à densité de circulation comparable ont déjà donné la possibilité aux collectionneurs d’utiliser des véhicules lourds avec un permis de conduire de type « tourisme » sans que cela n’ait compromis la sécurité routière jusqu’à plus ample information. En Grande-Bretagne, la conduite d’un poids lourd de collection est possible avec un permis « tourisme » sans limitation de tonnage. Considérant tous ces éléments, une réforme permettant d’autoriser la conduite aux titulaires d’un permis de catégorie B de ces véhicules avec certificat d’immatriculation collection d’un PTAC supérieur à 3,5 tonnes ne semble pas poser de problème particulier en termes de sécurité routière.

Un collectif de passionnés et responsables associatifs dédiés a décidé de formaliser cette demande et de sensibiliser les collectionneurs afin qu’ils se mobilisent sur cette question pour que leur action ait un avenir. Une démarche parallèle va être faite en ce sens auprès des ministères concernés à l’initiative d’Alain Quemener, ancien président du MVCG France.

Elle sera menée par Alain Quemener, Michel Roques (secrétaire du MVCG Languedoc-Roussillon, administrateur FFVE), Jean-Pierre Saulet (président du Camion club de France, administrateur FFVE), Rémy Hess, Xavier Hory et Jacques Sabard (collectionneurs), Jean-Louis Eschenlauer, (président des Autocars anciens de France) et Olivier Weyl (ancien administrateur FFVE).

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